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 so schnell /transmission

1998
so schnell (version 1992) / intégrale


« « Ah, combien la vie de l’homme est fuyante et dérisoire / Comme un nuage qui apparaît tout soudain / Et qui aussitôt disparaît / Voyez, ainsi va notre vie ! » On l’entendait, ce chant extrait d’une cantate de Jean-Sébastien Bach, fin novembre 1992, à l’Opéra de Paris, quand sur la scène du vieux théâtre, le Centre chorégraphique national de Montpellier dansait so schnell de Dominique Bagouet. Et il y revêtait alors une dimension extraordinairement douloureuse. Car au moment même où l’Opéra consacrait pour la première fois une compagnie française de danse contemporaine, Dominique Bagouet, son chef, se mourait à Montpellier. Aujourd’hui so schnell entre au répertoire du Ballet de l’Opéra avec de simples danseurs de cette compagnie, qui est toujours une des plus belles du monde. Sans étoile ni grand soliste, peu intéressés peut-être par un ouvrage qui est un chef-d’œuvre de beauté et de sensibilité, mais qui n’accorde de prééminence à aucun de ses interprètes. Un choix de la directrice de la danse, Brigitte Lefèvre, fidèle à la mémoire de celui qui fut le meilleur auteur de ce temps en France.
Créé au Corum de Montpellier en 1990 pour les quatorze danseurs de la Compagnie Bagouet, repris par la même troupe à l’Opéra de Paris en 1992, puis en juillet 1993 dans la cour d’honneur du Palais des Papes, lors du Festival d’Avignon, mais alors interprété par douze danseurs et dans une version en partie remaniée par le chorégraphe juste avant sa mort, so schnell est ici remonté sous la responsabilité des carnets bagouet, héritiers artistiques de l’auteur. Et ce sont deux de ses créateurs qui ont été chargés de cette reconstitution : Matthieu Doze et Olivia Grandville, une danseuse de l’Opéra qui quitta l’institution pour suivre Bagouet et qui représente le lien idéal entre deux univers difficilement compatibles.
Mais comment reconstituer une chorégraphie comme so schnell quand son auteur a disparu ? Grâce au témoignage irréfutable des vidéos tournées en 1990 et 1992 et captant les deux versions, dont la seconde est retenue quand la première demeure un exemple plus dynamique de l’énergie qui court dans la pièce ; grâce à la mémoire des deux reconstructeurs, à celle de quelques autres interprètes, invités à transmettre leurs propres rôles à leurs successeurs de l’Opéra ; grâce enfin à Anne Abeille, l’assistante de Dominique Bagouet, qui viendra superviser le travail. Tâche ardue. Ce n’est rien de sauver la forme d’une œuvre. Encore faut-il en sauvegarder l’esprit. Pour les danseurs d’ l’Opéra qui répètent en ce moment, rien n’est plus difficile que d’oublier la rigidité de l’académisme et de se fondre dans une autre approche, plus souple, plus naturelle du corps. Et pour leurs répétiteurs, remarquables danseurs eux aussi, mais venus d’une autre galaxie, rien n’est plus délicat que de ressusciter, à côté d’une écriture arachnéenne, subtilement structurée mais solidement construite, ces beautés impalpables qui font la magie des œuvres de Bagouet. »

raphaël de gubernatis, le nouvel observateur, 5 mars 1998


Evidence
« Créée en décembre 1990 pour l’inauguration de l’Opéra Berlioz à Montpellier, so schnell avait dès son origine l’esprit large : beaucoup d’espace, beaucoup de danseurs. Repris en novembre 1992 (deux mois avant le décès de Dominique Bagouet), la compagnie étant invitée par l’Opéra de Paris avec la participation du Festival d’Automne, cette chorégraphie semble aujourd’hui trouver naturellement sa place au répertoire de la prestigieuse maison. Sans doute est-il vain d’entrer dans une polémique qui voudrait, selon les uns, que la pièce fut bien meilleure avec la Compagnie Bagouet, ou selon les autres, que so schnell n’ait jamais été aussi bien dansé… Inutile de revenir sur le manque d’objectivité et d’envergure de ces réflexions.
Sans hésitation, ce remontage est une réussite. D’une part, parce que cette œuvre est superbe, d’autre part, parce que les danseurs se sont bien investis dans ce travail. Le résultat est pertinent. Sur le plateau du Palais Garnier, c’est l’évidence de l’écriture qui éclate, le soin, la précision apportés aux parcours, la justesse des entrées et sorties, l’humour élégant, le jeu des attitudes et poses qui construisent ces danseurs tous individualisés. so schnell manie et conjugue avec brio l’alternance du groupe et de la personne, cette sorte de grammaire de la personnalité, de style humaniste. D’ailleurs, la pièce se distingue par la superposition de plusieurs trames. La plus évidente est celle qui conjugue la musique de la cantate BWV 26 (dont un des airs débute par « So schnell ein rauschend Wasser schiesst », « Aussi rapides que les eaux mugissantes ») et les éléments sonores arrangés par Laurent Gachet issus de l’atelier de la bonneterie familiale Bagouet. C’est une construction en abîme où l’évocation de l’enfance se glisse à de nombreux moments. Persistante, résistante, active donc dans les gestes, les sourires décochés, les presque caricatures qui dansent. Il y a à la fois la folle énergie explosive d’une cour de récréation et des moments de solitude (également à deux ou à trois) où les sentiments profonds enrobent les corps, habitent l’espace. Une certaine mélancolie existe déjà, toujours. Et si on a qualifié la danse de Dominique Bagouet de baroque-contemporain pour des types de mouvements et d’utilisation du corps, c’est surtout dans ce rapport qui associe étroitement la joie  à la tristesse, au sentiment de la finitude, que la référence baroque prend son sens. Et le solo situé au milieu de la chorégraphie est le pivot de cet enchevêtrement, de cette indissociable entente.
L’Opéra pérennise et met en relief ce statut de « classique », entendu comme œuvre incontournable et exemplaire. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? C’est un fait. Actuellement, il est la seule structure en France qui autorise cette présentation. Est-ce son rôle de prendre en charge la mémoire de la danse contemporaine ?
so schnell est de toute façon à voir et à revoir. »

martin c., les saisons de la danse, mai 1998
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